Résumé : Leur méthode et leur objet distinguent et opposent psychanalyse et philosophie. La philosophie interroge la psychanalyse (Ricœur, Agamben, Jullien) ; parfois elle a recours à la psychanalyse, comme le fait l’École de Francfort. La psychanalyse a recours à la philosophie, pour son épistémologie, dans sa transmission ou certaines de ses élaborations théoriques, et plus généralement dans la mise en œuvre rigoureuse de réflexions pluridisciplinaires. La pensée clinique issue de la psychanalyse a pour sa part interrogé le questionnement philosophique et parfois contribué à le renouveler. Si la psychanalyse n’est pas une vision du monde, certaines élaborations psychanalytiques sont sous-tendues par une « philosophie spontanée », selon le mot d’Althusser, et les débats psychanalytiques gagnent en clarté si ces présupposés sont mis en lumière. Enfin nombre de questionnements essentiels se retrouvent, dans des perspectives différentes, et en philosophie et en psychanalyse, à commencer par les thématiques du sujet, de l’altérité, de l’être et de la mort ; philosophes et psychanalystes ne peuvent s’ignorer mutuellement dans ces carrefours de l’expérience et de la pensée humaines.
Résumé : La dégradation des écosystèmes porte atteinte à la santé des humains notamment à travers l’émergence de maladies infectieuses. Pour y remédier, l’approche One Health qui reconnaît l’interdépendance de la santé des humains, des animaux et de l’environnement semble pertinente. Une telle approche de la santé implique la communication entre des acteurs différents, la co-construction des problèmes et des solutions et l’action collective. Elle bouleverse les valeurs et les dispositions de ces acteurs ainsi que les modes évaluatifs des actions menées. Les « éducations à », notamment les éducations au politique et au développement durable peuvent être mobilisées pour accompagner de tels changements. La phase diagnostique d’un projet d’éducation au territoire dans les Grands Causses (Aveyron) fournit l’occasion d’identifier les valeurs mobilisées et les dispositions essentielle à toute action en contexte complexe comme la pensée critique. Bien que les résultats obtenus soient prometteurs, la taille du jeu de données et les méthodes mises en œuvre ne permettent pas d’évaluer leur portée épistémologique et méritent d’être redéfinies avant de construire un indice agrégé qui soit un outil d’évaluation des approches one Health.
Résumé : On rend ici hommage à Bruno Latour, récemment disparu, en restituant la trajectoire de sa pensée : partie de la théologie et revenue à la théologie, elle a traversé la philosophie, la sociologie et l’anthropologie. On s’attache au souci constant du chercheur de rendre compte de la diversité des types de pensées et de la variété, corrélative de ces types, des modes d’existence. La description ne va toutefois pas sans une évaluation critique. On se demande ainsi si Latour ne tend pas à confondre idées et réalités lorsqu’il présente des partages disciplinaires comme des régimes ontologiques. On s’interroge également sur le sens très peu logicien de sa « socio-logique » et sur sa promotion de la « force », individuo-centrée, des agencements sociaux.
Résumé : Afin de permettre aux futurs enseignants en formation initiale de développer une réflexivité sur la relation entre l’école et les familles, il apparaît nécessaire d’imaginer un dispositif fondé sur les savoirs de la recherche mais adoptant une pédagogie en rupture avec l’enseignement universitaire conventionnel. L’article présente l’expérimentation d’un atelier d’écriture et analyse les processus – de remémoration, d’identification, d’imagination – par lesquels les étudiants s’engagent affectivement et intellectuellement dans une réflexion sur les relations école-familles. Les activités d’écriture (et de jeux de rôle) tissent une relation à soi et aux autres participants dans un cadre de confiance propice à la réflexivité et à la construction d’un sens critique. Un tel dispositif qui vise à réconcilier professionnalité et sensibilité entend ouvrir les futurs enseignants à la diversité des façons d’être une famille et les invite à prendre en compte le point de vue des parents.
Résumé : Cet article vise à confronter et à mesurer l’écart entre deux récits d’une même expérience de pédagogie critique féministe aux États-Unis : celle d’une professeure, bell hooks (Gloria Watkins), et celle de « son » étudiant, Gary Dauphin. Que se produit-il lorsque l’engagement enseignant et l’engagement étudiant entrent en conflit ? Je tenterai de répondre en analysant une divergence entre les discours des deux protagonistes : là où bell hooks souligne l’importance de la pratique de la liberté par la conscientisation, le rôle central de la « conscience critique et [de l’]engagement », Gary Dauphin, quant à lui, répète que ce sont les limites de son corps qui ont déterminé la situation, un corps « maussade », inerte et renonçant.